BOLESLAS BIEGAS VU PAR ÉMILE VERHAEREN

Oui, vous êtes un poète, mon très cher Biegas. Vous contemplez le monde avec naïveté et profondeur ; votre personnalité s’affirme avec intransigeance, votre regard est différent de celui des autres : les choses, les éléments, les saisons, les nuages vous apparaissent comme des volontés ; vous peuplez la nature entière du songe que vous faites, vous expliquez par elle votre âme tendre, vibrante.

Vous avez écrit maint drame, mais vous avez écrit aussi maint bas-relief et mainte statue. Vos œuvres plastiques sont des poèmes. C’est tout votre être avec ses tendresses, ses révoltes, ses amours, ses pensées qu’elles expriment. Quand je regarde votre Chopin, je songe à l’impression que vous fait sa musique, bien plus qu’au musicien lui-même. Quand j’admire votre Adam si délicieusement puéril et étonné au seuil du monde ouvert devant ses pas, je vois en vous – même l’éblouissement et la foi qu’il porte en ses yeux.

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Émile Verhaeren, Boleslas-Biegas, in : Boleslas Biegas Album, Paris [1906]